Directrice des programmes du comité de paix local du 5e arrondissement de Bangui, Barbara Sanga, 22 ans, est très impliquée aux côtés des femmes de sa communauté. Elle retrace son parcours de chef de file des jeunes en faveur de la paix et explique pourquoi les femmes ont un rôle clé à tenir dans la consolidation de la paix en République centrafricaine.
Comment avez-vous été amenée à vous impliquer dans le comité de paix local?
En travaillant avec un comité local de jeunes dans le 5e arrondissement qui a commencé à collaborer avec Vitalité Plus, une ONG locale qui aide les survivants des conflits armés. C’est par le biais de Vitalité Plus que j’ai découvert Conciliation Resources.
Quelle était la situation sécuritaire à Bangui avant la mise en place des comités de paix locaux?
Au cœur de la crise, la situation dans notre arrondissement était absolument terrible. À titre d’exemple, je vous donnerai un seul chiffre: plus de 1 700 maisons dans notre arrondissement ont été détruites pendant la crise, et aucun musulman ne pouvait s’approcher du carrefour à l’entrée de notre arrondissement. Depuis 2014, nous travaillons et collaborons sans relâche avec nos voisins du 3e arrondissement et désormais nous avons un taux de sécurité de 75%.
Dans quelle mesure le soutien de Conciliation Resources vous a-t-il aidé en tant que chef de file des jeunes en faveur de la paix?
Conciliation Resources est notre seul partenaire international. Grâce à cette organisation, nous avons pu organiser un carnaval de la paix dans notre arrondissement. À la suite de cet évènement, nous avons constaté une augmentation progressive de la circulation, et nous avons donc commencé les échanges entre les jeunes du 5e et du 3e arrondissement. Nous venons d’établir un conseil de sécurité local, grâce encore à Conciliation Resources.
En quoi le comité de paix local aide-t-il à réduire les tensions au sein de votre communauté?
S’il y a un problème dans notre arrondissement, nous organisons une réunion de sécurité, puis nous alertons les autorités locales et plaidons pour qu’elles interviennent. Il arrive parfois que nous nous associions aux autorités locales pour mener des actions de plaidoyer auprès du ministère de la Sécurité publique.
Ainsi, nous avons contribué à la réouverture du commissariat. Les policiers ont travaillé avec les jeunes qui, pour la plupart, étaient opposés à leur circulation dans le 5e arrondissement. Maintenant, ils ont davantage confiance dans les forces internationales (MINUSCA) et les tensions ont diminué, ce qui veut dire que l’on peut à nouveau dormir la nuit dans le 5e arrondissement.
Pour ce qui est de votre travail au comité de paix local, quelle a été votre expérience la plus forte à ce jour?
Grâce au comité de paix, beaucoup de choses ont changé dans notre arrondissement, et pour moi aussi, sur le plan personnel. J’ai pris conscience que travailler au service de la paix nécessitait de ma part un comportement exemplaire, et par conséquent, un changement d’attitude.
En effet, comment réussir à convaincre les gens d’adopter un autre comportement si l’on est soi-même violent et agressif ? J’ai beaucoup changé.J’ai essayé d’éradiquer toute la violence que j’avais au fond de moi.
En quoi la vie a-t-elle changé pour vous depuis la crise?
Pendant la crise, j’avais si peur et j’étais tellement en colère que j’aurais pu aider à tuer des musulmans. Après avoir suivi une formation sur la cohésion sociale, j’ai abandonné toute haine des musulmans. Désormais, quand je rencontre des musulmans, je les considère véritablement comme des amis. Nous avons tous été créés par Dieu.
Quels rôles les femmes peuvent-elles tenir dans la consolidation de la paix en République centrafricaine?
Les femmes d’Afrique de l’Ouest ont un grand rôle à jouer dans la consolidation de la paix à l’échelle nationale. Elles sont très investies dans la paix en République centrafricaine. Il arrive qu’on les écoute plus que les hommes.Si toutes les femmes œuvrent à la consolidation de la paix, la paix est réalisable.
Que conseilleriez-vous au prochain président pour parvenir à instaurer la paix et la sécurité en République centrafricaine?
Mon conseil au nouveau président serait d’appliquer la bonne gouvernance et de n’être sectaire envers aucun groupe, autrement dit de ne pas céder au tribalisme ou au népotisme, mais au contraire, de se montrer impartial et d’œuvrer pour le bien de notre pays.