Si la menace de la propagation d’Ebola a maintenant disparu, l’impact de cette épidémie dévastatrice se fait encore sentir dans les communautés frontalières de la région du fleuve Mano en Afrique de l’Ouest.

Ebola a répandu la peur et la méfiance et a conduit certaines communautés à l’isolement le plus complet et à l’abandon par leurs voisins et amis.

Le virus Ebola s’est déclaré à Camp Number 3, une communauté reculée à la frontière du Libéria, en décembre 2014. Dépourvus d’information sur la maladie et sa transmission, les voisins et amis ont accouru au chevet des premières victimes. Mohammed T. Sawaray, chef de village adjoint de Camp Number 3, était le porte-parole de la communauté durant la crise Ebola.

Nous ignorions ce qu’était Ebola et comment nous en prémunir. En 2015, de nombreuses personnes sont tombées malades.

Camp Number Three s’est vite retrouvée isolée. Les commerçants refusaient de desservir la ville, le marché a été fermé et ses habitants se sont vus refuser l’accès à d’autres localités voisines. La région a rapidement été surnommée 'la zone de la mort'.

Des communautés en conflit

Les vivres sont venus à manquer. La communauté a été contrainte de consommer la totalité de ses réserves puisque les pêcheurs et les commerçants refusaient de venir vendre leurs marchandises. On estime à 66 % les ménages libériens qui ont dépensé toutes leurs économies durant l’épidémie.Comme l’explique Mohammed:

Nous étions face à un dilemme, notre position était triste. Nous étions abandonnés et coupés des communautés environnantes et nous ne pouvions aller nulle part. Nous avons épuisé toutes nos réserves afin de survivre. Nous nous en sommes remis à Dieu.

Cependant, la méfiance ne se faisait pas seulement sentir entre les communautés, elle gagnait également les résidents de Camp Number Three. Dans leur colère, des villageois ont brûlé la pharmacie que possédait la famille d’une des premières victimes d’Ebola.

Notre communauté, elle aussi, était en proie aux divisions. La partie droite de Camp Number Three a été épargnée alors que la partie gauche a succombé à Ebola. Nombreux sont ceux qui se sont désolidarisés du reste de la communauté.

Face à la montée des tensions, la communauté s’est tournée vers la plateforme de district pour le dialogue (PDD) de Tewor. Établis et soutenus par Conciliation Resources et ses partenaires, les PDD sont des réseaux communautaires d’artisans de paix locaux dont la vocation est d’arbitrer les conflits et de leur trouver une issue pacifique. 

Un espace pour parler

La PDD de Tewor s’est fréquemment rendue à Camp Number Three, y organisant des discussions communautaires destinées à favoriser non seulement le dialogue, mais aussi le partage d’informations sur le virus Ebola. Dans ce contexte, l’ensemble de ces plateformes sont devenues un lien essentiel avec le monde extérieur. Selon Mohammed, l’aide apportée par la PDD s’est avérée vitale à sa communauté: 

À chacune des visites de ses représentants, nous nous réunissions. Ils nous expliquaient que nous formions un tout malgré l’épidémie d’Ebola. Ils nous parlaient pour que l’on puisse mettre de côté nos griefs et nous unir, pour qu’ensemble nous puissions combattre cette maladie.

En plus de ses visites à Camp Number Three, la PDD est également intervenue dans les communautés voisines pour les informer des modes de transmission d’Ebola et pour leur expliquer qu’elles pouvaient interagir sans risque avec les communautés touchées. Ces discussions ont jeté les bases d’un dialogue intercommunautaire où les craintes et préoccupations ont pu être exprimées, et les relations reconstruites: 

Lorsque nous avons fait part aux membres de la PDD du rejet dont nous étions l’objet de la part des communautés voisines, ils ont pris cela comme un défi à relever et se sont rendus dans la majorité des villages avoisinants. Grâce à leur intervention et leur influence, nos relations avec nos voisins sont meilleures qu’avant l’épidémie d’Ebola.

Le travail mené par la PDD au sein de Camp Number Three et avec les communautés environnantes ne s’est pas fait en un jour. Rétablir la confiance et régler les griefs prend du temps, c’est la raison pour laquelle Conciliation Resources estime que la clé de la réussite réside dans le soutien à long terme de ces organisations communautaires. 

Et Mohammed de conclure:

Notre confiance envers la PDD, et ce encore maintenant, s’explique par le fait que ses membres ont été les premiers à venir nous voir et à nous parler pour nous réconcilier et ramener la cohésion en notre sein. Ils ont continué de venir et de nous parler jusqu’à ce que nous soyons à même de les écouter et d’adhérer à leurs propos. Nous avons besoin d’eux à nos côtés, et ce à tout moment.