Dans la Région du programme de l’Afrique de l’Est et centrale, l’année 2012 s’est caractérisée par des hauts et des bas, des pics suivis de périodes creuses, sur le plan de l’activité de l’Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army - LRA). On a assisté durant l’année à une marée montante d’autres problèmes comme l’explosion de conflits ailleurs, tant dans les États touchés qu’au-delà.

La LRA figurait en bonne place à certains ordres du jour [Anglais] au début de 2012, mais le conflit qui s’intensifie dans la République démocratique du Congo (RDC) et la République centrafricaine (RCA), une situation qui ressemble à une impasse au Soudan, plus les crises au Mali, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient sont autant d’événements qui concentré l’attention internationale sur d’autres thèmes que Joseph Kony et son armée autoproclamée. 

Des vies et des moyens de subsistance perturbés

Les activités enregistrées de la LRA brossent un tableau d’attaques et de mouvements constants dans les zones touchées. Durant l’année passée, 202 personnes ont été attaquées, et environ 80 personnes tuées. L’aspect le plus inquiétant est le nombre résultant de communautés déplacées et de flux humains associés vers les camps pour personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, ou vers d’autres pays, ou encore vers l’intérieur de la brousse.

Durant l’année passée, plus de 5 700 personnes ont été déplacées dans les zones touchées. Seulement 176 personnes sont retournées chez elles durant cette même année. Il est évident que la LRA continue de constituer une menace. 

Cependant, ces chiffres brouillent la situation dans certaines zones et occultent certains des gains obtenus, en particulier dans le Sud-Soudan et en Ouganda.

Le Sud-Soudan n’a enregistré presque aucun enlèvement, attaque ou meurtre par la LRA. De plus, un nombre largement inférieur de personnes ont été déplacées. En Ouganda, aucune activité de la LRA n’a été enregistrée, sauf le retour d’un de ses commandants de premier plan – Caesar Achellam.

Des États fragiles et une pléthore d’acteurs non étatiques : la RDC et la RCA

La LRA a été beaucoup plus active en RDC et en RCA que dans d’autres États touchés. Durant l’année passée, la LRA a tué plus de 50 personnes en RCA et plus de 30 en RDC. Les deux États ont enregistré des déplacements massifs : plus de 2 000 personnes en RCA et plus de 3 300 en RDC. 

L’activité de la LRA s’est limitée aux zones périphériques et frontalières [Anglais] des deux pays, où le contrôle, ou même la présence, de l’État sont minimes dans le meilleur des cas. 

Même le déploiement de 100 conseillers militaires des États-Unis n’a pas permis d’engendrer des gains significatifs. La LRA continue d’agir en petits groupes et elle a un effet disproportionné par rapport à ses effectifs. 

Le Nord-Est de la Province orientale en RDC et le sud-est de la RCA fournissent des sanctuaires parfaits pour les rebelles de la LRA. Ces zones manquent d’infrastructures et d’institutions de sécurité publiques de base. Qui plus est, les deux gouvernements ont échoué à traiter avec les acteurs armés non étatiques, y compris la LRA, ce qui a créé un pool d’hommes et de garçons armés non démobilisés qui agissent sur de grandes bandes de terre en toute impunité, ou presque. 

Il s’agit de membres de la LRA, mais aussi de braconniers, de membres mécontents des forces de sécurité, d’unités de défense locales qui sont intervenues pour compenser l’absence d’institutions étatiques de sécurité efficaces, et de groupes armés nomades comme les Mbororos.

Le résultat en est un contexte extrêmement trouble dans lequel les attaques et le banditisme sont très répandus.

Les responsables sont en général difficiles à identifier. La violence a lieu dans le cadre d’efforts faits pour survivre, pour se venger de l’hostilité (réelle ou perçue) de la part d’autres communautés et pour imposer la dominance sociale à un niveau très local, depuis les villages, jusqu’au niveau national, en passant par les communautés, les sous-préfectures et les provinces.

Les deux pays ont aussi été le théâtre de graves insurrections qui ont contraint les deux gouvernements, à Kinshasa et à Bangui, à prioriser leurs problèmes. La rébellion du M23, en RDC, à partir du début de 2012, a détourné l’attention de Kinshasa, mais aussi celle des États concernés et de l’étranger, vers la lutte contre l’explosion du conflit dans la province du Nord-Kivu. 

En conséquence, les unités de l’armée congolaise ont laissé un vide sécuritaire lors de leur transfert des zones touchées par la LRA pour aller lutter contre la nouvelle rébellion. 

Dans des circonstances similaires, une rébellion a éclaté en RCA et a menacé de renverser le gouvernement, contraignant Bangui à redéployer des troupes ailleurs que dans les zones touchées par la LRA. Les négociations se poursuivent, mais il est clair que les autorités de Bangui ont donné la priorité aux efforts de lutte contre l’alliance de rebelles du Séléka au détriment de la question de la LRA. 

Une lueur d’espoir ? Le Sud-Soudan et l’Ouganda

L’activité de la LRA a été minime dans le Sud-Soudan et non existante en Ouganda en 2012. Aucune attaque n’a été enregistrée en 2012 dans l’un ou l’autre État. L’Ouganda n’a enregistré aucune activité de la LRA depuis 2006, ce qui indique une évolution, dans le nord de l’Ouganda, de la résolution du conflit vers le développement. 

Le Sud-Soudan [Anglais], bien qu’il continue à être touché par la LRA, a réussi à la maintenir à distance. Le jeune pays a connu l’une des guerres civiles africaines les plus violentes, et il continue de subir l’hostilité, et pire, de la part du nord.

Un grave sous-développement entrave le nouvel État. Il est tout particulièrement difficile d’assurer la sécurité de la population, en majorité rurale, et de lui fournir des infrastructures et des services sociaux de base. 

Cette situation devrait constituer un sanctuaire parfait pour la LRA ; c’est pourquoi le fait que les activités aient été maintenues au minimum constitue une très bonne nouvelle. 

Il semble que l’armée ougandaise (UPDF) et l’armée sud-soudanaise (SPLA) ont très bien travaillé ensemble, aux côtés d’unités de défense locales (Arrow Boys) dans les zones touchées par la LRA. De plus, des groupes de la société civile ont été au premier plan de la sensibilisation des communautés et des activités visant à encourager les défections. Ces gains doivent être consolidés. 

Si l’Ouganda et, plus important encore, le Sud-Soudan parviennent à maintenir ce faible niveau d’attaques et de déplacements, les défections et les retours devraient suivre. De plus, la relation efficace entre la SPLA, l’UPDF et les unités de défense locales doivent se poursuivre parallèlement aux initiatives des organisations de la société civile.

Conclusions

Il est évident que la LRA continue à constituer une menace pour les populations. Le mouvement rebelle continue d’opérer en tout impunité dans les zones périphériques de l’Afrique de l’Est et centrale. La plupart des activités se limitent à la RDC et à la RCA, où la faiblesse de l’État, conjuguée à une marée montante d’autres groupes armés non étatiques, confère un sanctuaire parfait à la LRA. 

La situation est tout autre au Sud-Soudan et en Ouganda, toutefois ; les deux pays ont fait des progrès considérables contre la LRA, surtout grâce à la coopération régionale en tandem avec des initiatives de la société civile au niveau local. 

L’approche descendante a fonctionné, dans une certaine mesure et dans certaines zones, mais de véritables gains ont été obtenus en incluant un élément ascendant. 

Les Arrow Boys dans le Sud-Soudan, ainsi que les activités de réconciliation et de développement des groupes de la société civile dans le Sud-Soudan et dans le nord de l’Ouganda, en témoignent. 

Si l’on veut entreprendre des actions significatives contre la LRA dans d’autres endroits, les actions descendantes doivent prendre en compte les réalités ascendantes afin d’être efficaces. Il faut accorder une attention aux points de vue des personnes touchées par l’instabilité et la menace constante de violence.

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